Une jeune fille au grand cœur

Publié le 11 décembre 2025 à 01:06

Un jour, ma vie a basculé. Les troupes ennemies ont déferlé sur mon village. Les guerriers ont renversé, détruit, brûlé... J'ai été brutalement arrachée à mes parents. Lorsque je dors, j'entends souvent les cris déchirants de ma mère qui m'appelle, je revois les flammes qui crépitent et la fumée épaisse qui s'élève des maisons, j'entends les hurlements de peur des habitants, de mes amis...

 

Je suis une fille bien bâtie. Bien que très jeune —une enfant encore— j'avais déjà une belle vigueur dans les jambes et dans les bras.

Le chef de l'armée ennemie m'a tout de suite repérée et il m'a embarquée comme on ramènerait une vache ou un cochon chez soi, pour son utilité. 

 

J'avais tellement peur.

Qu'est-ce que j'allais devenir ?

Comment serai-je traitée ?

Reverrai-je mes parents chéris ?

 

Je ne savais plus si j'avais mal ou si j'étais anesthésiée.

Les pensées s'entrechoquaient dans ma tête mais en même temps, j'avais l'impression d'un grand trou noir, d'un vide sidéral, m'interdisant toute réflexion.

J'avais envie d'hurler mais aucun son ne sortait de ma bouche.

C'était le chaos.

 

Nous avons marché des jours et des jours et nous sommes arrivés dans leur pays.

J'avais froid.

J'avais faim.

J'étais épuisée.

Le peuple accueillait ses guerriers dans de grandes acclamations. 

Je marchais tête basse, tellement lasse.

 

Le chef de l'armée m'a confiée à sa femme. Désormais, je serai son esclave.

Fini les courses poursuites dans les champs avec mes amis. Fini les histoires, le soir avant de s'endormir. Fini le sourire de mon père et les câlins de ma mère.

 

Les années ont passé et la peur et le désarroi aussi.

J'ai connu la colère bouillonnante contre ce peuple qui a fait subir tant de douleur au mien.

Colère mêlée de tristesse et de mélancolie.

 

Des airs de chez moi me reviennent. Je les chantonne pour me donner du courage.

Je repense à mes parents, à nos soirées pendant lesquelles mon père nous parlait des exploits de notre Dieu.

Je revois l'enthousiasme de ma mère quand elle nous rapportait les faits étonnants du prophète Elisée. Une histoire m'avait particulièrement marquée : il avait ressuscité le fils d'une femme riche.

 

Je reconnais : ils me traitent plutôt bien.

Finalement, je suis reconnaissante, car dans mon malheur, je crois que j'ai de la chance. Je pense que ma mère dirait que c'est la faveur de notre Dieu.

Je finis même par les aimer, ma maîtresse et son mari.

Maman serait fière de moi. Elle m'avait fait apprendre par cœur les commandements de Dieu. Je le sais, aimer son prochain en fait partie.

 

Et puis un jour, un vent de détresse a soufflé dans la maison de mes maîtres. Lui, il était atteint d'une maladie incurable.

 

J'aurais pu me réjouir de leur malheur.

J'aurais pu dire : "Bien fait ! La roue tourne."

Impossible d'oublier la destruction de mon village, l'arrachement à mes parents, le feu, les vies écourtées...

 

Mais depuis, mes maîtres m'ont bien traitée. 

Alors je leur suis reconnaissante.

Et puis, en vrai, mon bien-être dépend du leur.

 

Alors j'ai su que je devais parler.

Je devais leur dire que le prophète, en Israël, pouvait le guérir de sa lèpre.

Le méritaient-ils ?

Je ne sais.

Je crois que Dieu, par le biais du prophète, se plait à faire du bien. C'est ce que disait ma mère.

Alors, puisque je fais partie de son peuple —même si je suis esclave dans un pays étranger— je veux ressembler à mon Dieu et étendre ma bonté aux étrangers, à ceux-là même qui ont bouleversé ma vie d'enfant.

 

Je leur ai parlé.

Il est allé rencontrer le prophète.

Et il a été guéri.

La joie est revenue dans la maison.

Finalement, je bénéficie moi aussi de ce miracle.

 

Béni soit notre Dieu car il fait des exploits.

Je me réjouis en lui.

 

 

Références bibliques :

2 Rois 5.1-16 ; 2 Rois 4.12-37 ; Lévitique 19.18 ; Jérémie 29.7